LE PÉTROLE ET LE GAZ DANS UN MONDE À 1,5 C

Sunset over field
16 novembre, 2021

Je suis assis dans ma cabane et je regarde le soleil se coucher sur la vallée de l’Outaouais. Ce n’est pas le coucher de soleil le plus spectaculaire qui soit, mais il est calme et beau, doux et prévisible, contemplatif et nourrissant.

J’avais l’intention de venir ici beaucoup plus tôt, mais la COP26 devant se terminer dans les deux prochains jours, il y avait des briefings, des annonces et des vérifications à faire. Et le fait que je sois ici maintenant me semble parfait.

Les questions que chacun se pose maintenant sont les suivantes : comment cela va-t-il se terminer ? Les résultats de la COP26 seront-ils dignes d’être célébrés ? Et (surtout pour ceux d’entre nous qui ont eu le privilège de s’éloigner du chaos de l’événement), où allons-nous maintenant ?

Je sais que dans le cycle de vie d’une COP, 24 à 48 heures représentent une période de temps significative, il est donc peut-être prématuré de commencer à tirer des conclusions. Mais je vais tout de même tenter ma chance.

Au cours des deux dernières semaines, j’ai eu l’occasion d’entendre les points de vue des personnes présentes sur le terrain à Glasgow, de notre délégation du PAC qui a participé virtuellement à la COP26 et d’autres personnes ici au Canada qui ont suivi les délibérations par le biais des médias (sociaux et autres).

En ce moment, bien que je sois beaucoup plus fatigué et contemplatif, je me sens en fait un peu comme à la veille de la COP26. Lors du symposium d’automne, le 30 octobre, je me suis dit qu’au cours de l’année 2021, nous avions assisté à une évolution assez remarquable de la politique climatique canadienne : augmentation de l’objectif de réduction des émissions, doublement du financement international pour le climat et adoption de lois sur la responsabilité climatique et les droits des Autochtones. Et, j’ai remarqué que l’ambition et les mesures prises sont loin d’être ce qu’elles devraient être.

Mon évaluation de la COP26 est assez similaire. Avec nos yeux fixés sur un monde juste, à 1,5 C à l’horizon, il peut être facile d’être consumé par le vaste fossé qui se trouve entre cette aspiration, et l’apparat et les promesses des 12 derniers jours. Il y a en effet eu un manque notable d’urgence dans les déclarations politiques. Si toutes les promesses et tous les engagements existants étaient suivis d’effet, la température mondiale augmenterait encore de 2,4 °C. Les gouvernements du Nord n’ont pas encore assumé la responsabilité des émissions historiques et actuelles, laissant les pays du Sud sans les ressources nécessaires pour atténuer efficacement les effets du changement climatique et s’y adapter.

Alors, qu’est-ce qui a été réalisé ?

Beaucoup de choses ont été dites : sur l’utilisation des terres et la déforestation, le financement des peuples autochtones et des communautés locales, le financement du secteur privé, l’équilibre du financement gouvernemental du climat entre l’atténuation et l’adaptation, le genre, les énergies renouvelables, l’engagement des jeunes, les solutions fondées sur la nature, les droits des autochtones, la solidarité mondiale, et bien d’autres choses encore.

Le point qui me semble le plus prometteur, cependant, est la discussion sur les combustibles fossiles.

Hier, pour la première fois dans l’histoire, les “combustibles fossiles” ont été mentionnés dans le (projet de) texte de décision d’une conférence des Nations unies sur le climat. Cela me surprend autant que c’est significatif, car il s’agit d’une reconnaissance attendue depuis longtemps des combustibles fossiles comme contributeurs à la crise climatique. Nous, ainsi que nos collègues du Réseau Action Climat Canada, avons écrit à Steven Guilbeault, ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique, pour l’encourager à s’assurer que ce texte reste dans la déclaration finale. (Veuillez amplifier cet appel !)

Par ailleurs, plus tôt dans la journée, les gouvernements du Danemark et du Costa Rica ont également lancé l’Alliance “Beyond Oil and Gas” (BOGA), qui vise à orchestrer une élimination progressive de la production de pétrole et de gaz dans le monde. Cela se fera d’abord en interdisant toute nouvelle licence d’exploitation de pétrole et de gaz, puis en fixant “une date alignée sur celle de Paris pour l’arrêt de la production de pétrole et de gaz”. En annonçant cette initiative, le ministre danois du climat et de l’énergie, Dan Jorgensen, a déclaré que “le pétrole et le gaz n’ont pas leur place dans un monde à 1,5°C”. C’est tellement vrai. Il n’est peut-être pas surprenant que les plus grandes nations productrices de pétrole et de gaz au monde ne figuraient pas parmi les huit membres “principaux” lors du lancement de l’alliance (le Québec en faisait partie). Néanmoins, le fait que le BOGA ait été lancé est significatif, car il a enfin reconnu la nécessité d’aborder la question de l’approvisionnement en pétrole et en gaz à l’échelle mondiale. C’est un progrès qui mérite d’être célébré!

Sky at dusk with pink and blue cloudsLa nuit est maintenant tombée sur une journée d’automne vivifiante dans l’ouest du Québec, mais pas avant que le soleil, d’abord si discret alors qu’il était suspendu à l’horizon en fin d’après-midi, ne se transforme en une brillante éclaboussure de rose dansant sur un ciel bleu qui s’assombrit.

Je n’ai pas les mots pour exprimer adéquatement la poésie et l’encouragement de ce changement, mais je sais que je me sens mieux maintenant. Ce n’est pas que je pense que les résultats de la CdP vont soudainement s’aligner sur 1,5, mais j’ai plutôt une confiance tranquille dans le fait que l’aiguille a bougé juste assez pour inspirer un engagement continu, et que bientôt, nous atteindrons effectivement la cible à l’horizon.

Karri Munn-Venn, analyste principale des politiques pour Citoyens pour la justice publique et l’animateur de plaidoyer de Pour l’amour de la Création, est membre de la délégation virtuelle conjointe de l’Église unie du Canada et de Pour l’amour de la Création à COP26, la conférence des Nations Unies sur le changement climatique.